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Interview avec Fanny Letier, directrice exécutive, fonds propres PME & coordination accompagnement de BPIFRANCE

by Ingrid Vaileanu and Florin Paun

Ce qui surprend les journalistes internationaux lors de cette rencontre APE au Salon aéronautique du Bourget, c’est cette belle élégance et la parole passionnée d’une dirigeante française qui inspire depuis quelques années les PME et ETI innovantes en France par l’audace d’innover dans les solutions de financement pour un but presque certain : l’accélération de la croissance des PME et ETI. Pour Fanny Letier, il y a une nouvelle façon de financer l’innovation…

 

Question:

Comment fait-on l’innovation aujourd’hui ? 

Fanny Letier:

Nous avons aujourd’hui une vision de l’innovation différente, autant sur le plan conceptuel que sur les stratégies concrètes d’innovation, avec des business modèles disruptifs dans la façon de générer l’innovation mais aussi de vendre les produits et services innovants.

Cette révolution copernicienne de notre regard implique une approche plus globale de l’innovation qui couvre bien sûr l’innovation technologique mais aussi, bien au-delà. C’est l’innovation au sens large, dans les services, le marketing, le design ou même dans l’organisation et le management qui soutiennent aujourd’hui la création de valeur et la croissance.

 

Question :

Quels sont les plus grands changements dans les approches des acteurs de l’innovation que vous rencontrez chaque jour ?

Fanny Letier :

Il y a une démultiplication des sources d’innovation. Il faut être capable de les identifier et de les valoriser. Ce peut être au sein même des entreprises, pas seulement dans les centres de recherche et développement mais aussi, dans les usines, mais aussi dans tous les métiers de l’entreprises, en allant chercher les intra preneurs. Il y a ensuite toutes les sources externes à l’entreprise : les clients, les fournisseurs et tout l’écosystème local ou sectoriel, elles concourent pleinement à créer des leviers d’accélération de l’innovation, surtout dans les structures agiles des PME et ETI. La clé est de décloisonner et travailler ensemble pour permettre cette «cross fertilisation» et valoriser ces sources parfois inattendues d’innovation. Chez Bpifrance, nous voulons être l’acteur du décloisonnement.

Nous construisons des ponts entre des Start-up, PME, ETI et Grands Groupes. Faire travailler ensemble une entreprise familiale centenaire, forte de son identité, de son histoire et de son positionnement de niche, et une start-up totalement digitale et mondiale peut donner des résultats formidables si l’alchimie fonctionne. Ces nouveaux modes de coopération sont les piliers de la nouvelle dynamique d’innovation et de transformation au 21e siècle.

 

Question :

Comment envisager la place du territoire dans cette nouvelle dynamique d’innovation ouverte ? 

Fanny Letier :

Les écosystèmes les plus précieux se trouvent au cœur de chaque région. L’ancrage régional fait la force de cette nouvelle dynamique d’innovation. C’est pour cela que Bpifrance a été conçu comme une banque totalement décentralisée avec 50 implantations territoriales. Nous agissons d’ailleurs beaucoup pour le compte des Régions pour les aider à financer des projets individuels et collaboratifs sur leurs territoires.

Et la spécificité de la France est aussi d’être riche de sa diversité territoriale. La diversité des spécialisations territoriales, des Clusters, des Pôles de compétitivités, vient favoriser l’émergence de ces écosystèmes collaboratifs. Bpifrance y prend part et peut aussi les appuyer en mettant à disposition sa base de données de plus de 40 000 entreprises innovantes pour favoriser les bonnes mises en relation et ainsi mettre en marche des potentiels partenariats de croissance.

 

Question :

Si vous ne deviez citer qu’un programme que vous aimez le plus dans votre travail pour l’innovation, lequel serait-il ?

Fanny Letier :

L’accélérateur PME de Bpifrance qui vise à transformer des PME en ETI ! La création de ce programme est le fruit d’un travail collectif remarquable, une co-construction avec nos clients et tout l’écosystème d’accompagnement des entreprises. Il nous permet aujourd’hui d’atteindre des résultats visibles. Depuis sa création en 2015, on a vu des PME doubler leur chiffre d’affaires et afficher une croissance à deux chiffres. Notre objectif est de doubler le nombre d’entreprises de taille intermédiaire en France : nous n’en avons que 3000, ce n’est pas suffisant, et pourtant elles assurent aujourd’hui 30 % des emplois et font 40% des exportations françaises.

Doubler leur nombre peut avoir un impact considérable. En nous alliant aux régions et aux filières nous pouvons y arriver. Intégrer un de nos accélérateurs, c’est bénéficier de 60 heures de conseils concrètes, des solutions de mise en réseau, des formations de haut niveau adaptées à leurs enjeux pour leurs dirigeants et cadres, clé exécutive MBA, ou envisager des changements utiles (deux tiers ont changé la gouvernance).Design thinking, open innovation, prise de risque, mentorat, tout cela rend nos PME innovantes plus fortes, plus efficaces, plus adaptables pour croître plus vite.

 

Question :

Concernant le risque, les banques sont souvent critiquées pour ne pas prendre suffisamment de risques surtout dans les processus d’innovation. Quelle est votre approche en termes de stratégies de financement de l’innovation ?

Fanny Letier :

Chez Bpifrance, nous voulons être des précurseurs et exercer concrètement une nouvelle manière de faire de la finance, au service de la finance et au service de nos PME et ETI innovantes. L’avenir du métier, c’est d’être aux côtés des acteurs de l’innovation, en partageant le risque qu’ils prennent, souvent en engageant leur patrimoine et leur famille.

Les avances remboursables en cas de succès, les prêts de développement que nous octroyons sans garantie et qui financent les investissements matériels et immatériels, l’injection de fonds propres dans les entreprises de croissance, la garantie des filiales à l’international… Tous ces instruments de financement doivent libérer les énergies et la prise de risque au bénéfice de l’emploi et la croissance.

Nous voulons aussi entraîner tout le marché vers de nouvelles pratiques d’accompagnement et d’engagement auprès des entrepreneurs. La banque de demain est en train d’être réinventée ensemble avec nos entreprises partout sur le territoire, ce sont elles qui créent de la valeur économique locale et contribuent aux exports français. Les premières étapes de cette mutation du métier? Faire évoluer les stratégies et les critères de valorisation, investir dans l’accompagnement stratégique, trouver concrètement des partenariats efficaces ou encore nous digitaliser nous-mêmes, nous les établissements financiers. Comment aider efficacement les startups si nous avons encore la culture du papier ?

 

Question :

Et la transitions numérique dans toute cette évolution ?

Fanny Letier :

Il faut avoir une stratégie digitale mais surtout une stratégie dans un monde digital ! Devenir le «banquier accompagnateur» qui suit une entreprise sur le long terme et lui pousse des solutions complètes de financement et de services, plutôt que de continuer à proposer un catalogue standard et découplé de la réalité évolutive de chaque start-up, PME ou ETI innovantes. Nous pouvons proposer un accompagnement à 360 degrés, en région, des entreprises innovantes. Les Fintech jouent le rôle de stimulatrices de l’innovation dans la finance  A nous de collaborer avec elles pour voir comment permettre à la banque de demain de devenir plus proche des clients, plus réactive, plus innovante dans la proposition des solutions de financement pour l’accélération de l’innovation.

 

Question :

Quelle a été votre meilleure expérience vécue dans ce travail sur l’innovation et la banque de demain ?

Fanny Letier :

Le bilan, cette année, de la première promotion accélérateur PME. En 2015, le président Emmanuel Macron, à l’époque ministre de l’Economie, nous avait fait confiance. En 2017, les 60 entreprises participantes ont connu une croissance moyenne de 22% du chiffre d’affaires et 20% de l’emploi.

Ce n’est pas qu’une question de satisfaction quand on voit des entreprises donner la mesure de leur potentiel. C’est d’abord pour Bpifrance le moyen d’atteindre ses objectifs: il s’agit de transformer, délivrer, réveiller les énergies pour des objectifs communs.

 

Question :

Quel est votre citation préférée, Fanny Letier ?  

Fanny Letier :

C’est une citation de Mark Twain : «Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait !»Je pense à tous ces acteurs innovants que je rencontre et mon seul conseil serait «Ayez confinace en vous!»

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